Lancée en 1931, la Reverso de Jaeger-LeCoultre se voulait révolutionnaire à plusieurs degrés. D’abord parce qu’elle se portait au poignet, à une époque où le comble du chic était encore la montre de gousset. Mais surtout parce qu’elle disposait d’un mécanisme original permettant de faire basculer le boîtier à 180° – de façon à résister aux brutalités des matchs de polo. À la fois fleuron de l’Art Déco et objet intemporel, la Reverso a franchi tous les obstacles : guerre, avènement des montres rondes, invasion du quartz et concurrence japonaise. Et la voilà aujourd’hui, âgée de 85 ans, et plus en forme que jamais.

Aux origines de la Jaeger-LeCoultre Reverso

L’histoire se passe en 1931, dans l’Inde coloniale britannique. Le décor en est un club de polo tout ce qu’il y a de plus british. Les personnages principaux en sont César de Trey, homme d’affaires suisse spécialisé dans la distribution de montres de luxe, Jacques-David LeCoultre, horloger helvétique responsable de la production à la manufacture LeCoultre, l’ingénieur français René-Alfred Chauvot, et un joueur de polo, officier de l’armée britannique. Celui-ci, après une partie de polo, se présente à César de Trey, en visite pour affaires dans cette partie du Commonwealth, et lui présente sa montre, dont la glace a été brisée à cause de la violence du match. Crânement, il le met au défi de parvenir à mettre au point un modèle capable de résister aux chocs d’une partie de polo.

Bien sûr, de Trey accepte immédiatement ce défi digne d’un roman de Jules Verne. Et en confie la réalisation à deux personnalités majeures de l’horlogerie : le boîtier à René-Alfred Chauvot, et le mouvement mécanique à son ami Jacques-David LeCoultre. Le premier développe une idée révolutionnaire : une montre qui coulisse dans son support à 180°, jusqu’à se retourner sur elle-même, de manière à protéger son cadran contre les chocs. Il en dépose le brevet à Paris le 4 mai 1931. Le principe, baptisé Reverso, est adopté par LeCoultre qui en lance la production.

Les premiers modèles manufacturés de la Reverso sont envoyés en Inde. De Trey a bien l’intention de répondre au défi lancé par l’officier britannique en faisant tester son garde-temps par les joueurs de polo. Le succès est tel qu’au fil des années 30, la popularité de la Reverso franchit très vite les limites du monde du sport, pour aller trouver son public sur les tribunes, auprès des amateurs de belles montres.

JAEGER-LECOULTRE Reversa Duo date

Un succès mondial pour une montre hors du commun

Destinée à l’origine aux sportifs, du fait de son système de protection du cadran, la Reverso est rapidement présentée comme étant la montre idéale pour les armées – une manière de dire qu’elle peut survivre à tout. Mais sa réputation dépasse largement les seuls rangs des joueurs de polo britannique et des soldats de la Couronne. Installée comme garde-temps indispensable de l’aristocratie anglaise, la Jaeger LeCoultre Reverso ne tarde pas à sauter par-dessus les frontières de l’Empire de Sa Majesté : le maharaja de Karputala en commande 50 pièces, dont il fait graver les dos à son effigie.

Dès lors, la mode s’impose d’apposer des décorations artistiques sur le dos de la montre, emplacement que chacun utilise, au choix, comme expression esthétique ou comme écrin pour ses intimes secrets. C’est ainsi qu’un dandy anglais y fait inscrire le code de son coffre-fort (pratique), et que les quatre alpinistes qui atteignent la face nord de l’Eiger en 1938 y font graver une référence à leur exploit. D’autres s’en servent comme support pour des messages personnels ou de chaudes déclarations d’amour. Est-ce la raison pour laquelle la Reverso deviendra plus tard l’archétype de la montre de fiançailles ? C’est, en tout cas, un autre mariage qui se célèbre en 1937 : celui des marques Jaeger et LeCoultre, qui après avoir été longuement associées finissent par fusionner.

Une mécanique qui s’enroue… avant de renaître

Touchée de plein fouet par la mauvaise santé du commerce du luxe au début des années 40, Seconde Guerre mondiale oblige, la gamme Reverso manque disparaître des cadrans. Avec la mode des montres de forme arrondie, le garde-temps favori des joueurs de polo devient un emblème obsolète, une mécanique qui renvoie à un passé révolu. Cette lente désaffection dure jusqu’au début de la décennie 70. Tout un symbole : en 1969, le monde entier assiste, à la télévision, aux premiers pas sur la Lune de Neil Armstrong et de Buzz Aldrin. Celui-ci porte une montre au poignet, une Omega Speedmaster, bientôt renommée « Moonwatch » en référence à cet événement mémorable. Mais où est passée la Jaeger-LeCoultre, elle qui pouvait résister aux brutalités d’un match de polo ?

Pris dans le marasme qui touche toute l’horlogerie suisse au début des années 70, Jaeger-LeCoultre semble à deux doigts d’arrêter ses aiguilles. Les montres japonaises à quartz ont envahi le marché européen et il faudra dix ans avant que Nicolas Hayek ne sauve l’industrie horlogère helvétique avec l’invention de la Swatch. Mais un miracle advient, dont l’Italie est le berceau : poussée par la volonté de Georgio Corvo, distributeur de la marque dans le pays de Dante, la Reverso est relancée. Trois ans passent, durant lesquels il s’agit de retrouver les plans du boîtier, que personne ne sait plus fabriquer depuis le décès de Chauvot, avant que Jaeger-LeCoultre ne soit en mesure de fournir ses nouveaux clients.

Le génie marketing de Corvo fait le reste : la Reverso, forte de son originalité, devient la tocante favorite de la jet-set italienne. C’est le tremplin vers un succès bientôt international, et qui, depuis, ne s’est plus démenti. À partir de 1991, Jaeger-LeCoultre se diversifie en mettant sur le marché des déclinaisons de sa gamme fétiche : grand format, avec complications, version automatique, utilisation de la face arrière du boîtier pour y embarquer un second cadran, etc. Le rachat, en 2003, par le groupe Richemont (Cartier, Van Cleef & Arpels, Montblanc, Piaget) n’a jamais remis en cause cette volonté d’axer la réputation de la marque sur ce bijou esthétique et technologique qu’est la Reverso. Qui non seulement équipe toujours les joueurs de polo, mais sponsorise également des compétitions mondiales (lire ici).

JL Reverso Petite Seconde

La Reverso, un bijou de technologie

Entre 1931, date de sa création, et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en 1939, la Jaeger-LeCoultre Reverso embarque 11 calibres différents, dont le 404 et le 410.

Il faut attendre l’année 1991, celle des 60 ans de la gamme, pour que la marque lance les premières complications en séries limitées. Cette décennie est celle de tous les exploits, de toutes les révolutions :

  • Le calibre 824 manuel, muni d’une réserve de marche et d’une date à aiguille
  • Le tourbillon (qui fait son apparition en 1993)
  • La répétition minutes (en 1994)
  • Le chronographe rétrograde (en 1996)
  • Le mécanisme de fuseaux horaires (en 1998)
  • Le mécanisme du quantième perpétuel (en 2000)

Puis, au début du XXIe siècle, Jaeger-LeCoultre se lance dans des expérimentations encore plus sidérantes. C’est, d’abord, la toute première montre à trois cadrans, tous animés par un même mouvement : la grande complication à triptyque (calibre 175). Ce bijou de l’horlogerie donne le temps civil au recto, le temps sidéral au verso, et le temps perpétuel sur le brancard. C’est, ensuite, la Reverso Gyrotourbillon 2 Squelette : la première montre-bracelet comportant un ressort spiral cylindrique.

Jaeger LeCoultre Reverso squelette

La gamme des Jaeger-LeCoultre Reverso

À la fois hautement technologiques et superbement esthétiques, les modèles de la gamme Reverso se déclinent au fil du temps :

  • La Reverso originale de 1931
  • La Reverso Classique (calibre 846)
  • La Reverso Grande Taille (calibre 822)
  • La Reverso Duoface (calibre 854), dont la particularité est de proposer un second cadran à l’arrière du boîtier
  • La Reverso Grande Date (calibre 875)
  • La Reverso Grande Automatique (calibre 970)
  • La Reverso Grande Sun Moon (calibre 873)
  • La Reverso Grande GMT (calibre 878)
  • La déclinaison Squadra : Home Time (calibre 977), Chronograph GMT (calibre 754), World Chronograph (calibre 753)
  • Une pièce unique, créée en 2011 pour venir en aide à l’Association monégasque contres les myopathies, renferme des croquis du dessinateurs de Titeuf, Zep

En parallèle, toute une gamme se développe qui est destinée à la gent féminine :

  • La Reverso Dame (calibre 822)
  • La Reverso Duetto (calibre 844)
  • La Duetto Classique et la Duetto Duo (calibres 865 et 854)
  • La Reverso Squadra Lady (calibre 657)


En 2016, à l’occasion de son 85e anniversaire, Jaeger-LeCoultre a enrichi sa gamme de trois nouveaux modèles, afin de rendre hommage aux premières Reverso des années 30 : Classic, Tribute et One. Une manière de dire que pour la Reverso, les aiguilles n’ont pas l’intention de s’arrêter de tourner.

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