Julien Le Roy, l’un des plus grands horlogers du XVIIe siècle

Scientifique, maître-horloger de Louis XV, tout acquis à la cause des montres, Julien Le Roy reste l’un des grands horlogers français, celui qui parvint, au Siècle des Lumières, à disputer aux Anglais leur suprématie en matière de garde-temps. Et il le fit grâce à de nombreuses améliorations et inventions, notamment celle de l’horloge horizontale, qu’il contribua à populariser grâce à l’ouvrage d’Henry Sully, Règle artificielle du temps.

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Au temps de la supériorité anglaise, un horloger français change la donne

C’est un tout jeune homme qui intègre, en 1713, la corporation des horlogers de Paris. Julien Le Roy n’a alors que 27 ans, et un avenir prometteur devant lui. À cette époque, les Anglais affichent fièrement leur supériorité en matière de mécanismes d’horlogerie. George Graham produit déjà des merveilles, John Ellicott et John Harrison font leurs premières armes, et tout le pays se fascine pour les garde-temps, une passion poussée par la Royal Society.

Julien Le Roy fera partie des horlogers dont les travaux, d’une haute technicité, vont contribuer à chiper aux Anglais leur place au sommet du podium de l’art horloger mondial. Et il le fera en douceur, sans verser la moindre goutte de sang, simplement en développant des mécanismes extraordinaires de précision, et en améliorant les systèmes déjà existants, notamment dans le domaine des montres à répétition. Une sorte de soft power aiguillé par le goût des montres, qui tend à redonner à l’horlogerie française une part de sa splendeur d’antan, que les exils successifs des huguenots au XVIe siècle ont contribué à défaire.

La particularité de Julien Le Roy, c’est qu’il ne s’attaque pas frontalement aux Britanniques, préférant leur disputer leur suprématie dans la discrétion de ses ateliers, et préférant rendre hommage aux maîtres-horlogers d’outre-Manche plutôt que d’aviver la concurrence. S’il emprunte à Isaac Newton une partie de ses travaux sur les fluides, qu’il applique avec succès aux balanciers des horloges de façon à en ralentir l’usure, il n’oublie pas de citer son illustre confrère scientifique. S’il s’inspire, pour ses recherches, de la montre à cylindre conçue par George Graham, dont il importe un exemplaire en 1728, c’est sans omettre de préciser l’admiration qui est la sienne pour le Britannique. Graham ne tarit d’ailleurs pas d’éloge sur le jeune français, dont le travail sur les montres à répétition ne le laisse pas indifférent.

Soft power ou non, les Anglais sont dépassés. En guise de preuve, les noms des horlogers britanniques sont bientôt remplacés, sur les boîtiers des montres de Genève, par celui de Julien Le Roy, qui leur fournit ses mécanismes. Plus tard, Voltaire adressera à l’un des fils Le Roy cette phrase célèbre, après la bataille de Fontenoy : « Le maréchal de Saxe et votre père ont battu les Anglais ».

Julien Le Roy, un grand Tours et puis s’en vont

Il faut remonter en arrière de quelques décennies, à Tours, pour découvrir le jeune Julien Le Roy, génie précoce. En 1699, à 13 ans, le garçonnet s’amuse déjà à concevoir et fabriquer des objets tirés de son imagination. Son savoir-faire, exceptionnel à son âge, n’a d’égal que son sens aigu de la finesse et de la précision – deux vertus qui le mèneront tout droit au métier d’horloger. 

Il faut se replacer dans le contexte d’époque : sur la ligne de crête qui sépare le XVIIe siècle du XVIe, l’horlogerie n’a plus, en France, la réputation qui était autrefois la sienne. Les huguenots, parmi les meilleurs maîtres-artisans des mécanismes horlogers, ont progressivement fui les persécutions religieuses, vague après vague, avec un exode désastreux suite à la révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV – qui souhaite tout simplement faire disparaître le protestantisme de son royaume pour mieux assurer son unification. L’arc jurassien (Genève, La Chaux-de-Fonds, Le Locle) ainsi que le Nord de l’Italie y gagnent des artisans brillants ; la France y perd de sa superbe en matière d’horlogerie.

Voilà quel dans quelles circonstances Julien Le Roy, après quelques années dans les ateliers de Tours, se pique de vouloir monter à la capitale dans le but de perfectionner son art. Drôle d’idée, sans doute, mais qui débouche sur un succès immédiat, puisqu’à 27 ans, le voilà déjà maître-horloger. Sa réputation se développe alors à toute vitesse, dans et au-dehors de Paris, autour d’un principe diablement efficace : avant de concevoir ses propres mécanismes, Le Roy s’attache à perfectionner tous ceux qu’il trouve, à commencer par les montres à répétition qui voient leur volume se réduire et leur précision s’améliorer.

Le Roy et le roi

Pour Julien Le Roy, Paris est un écrin de velours : il s’y sent à sa place, et capable d’y déployer une inventivité d’une ampleur inédite. C’est alors que l’autre Roy, Louis XV, s’intéresse de près au personnage, jusqu’à le nommer, en 1739, maître-horloger de Sa Majesté – un honneur réservé à très peu de privilégiés. Désormais assuré de travailler dans les meilleures conditions, sous la protection du souverain, Julien Le Roy laisse parler son imagination débordante : il invente des pendules à secondes, des pendules à équations, un mécanisme de compensation qui élimine les effets des changements de température. En 1744, il loge le mécanisme de sonnerie sous le cadran – une nouveauté – et, en 1755, utilise l’échappement à ancre comme modérateur pour sa cadrature de sonnerie.

C’est autour de cette période qu’il révolutionne pour de bon son domaine, en inventant – ou plus exactement, en obtenant la paternité – de l’horloge horizontale, à laquelle de nombreux autres artisans ont travaillé avant et avec lui. L’horloge horizontale est un mécanisme innovant, présentant de nombreux avantages par rapport à sa version verticale : une fabrication qui nécessite moins de pièces et moins de matière première, des frottements grandement réduits et un entretien facilité – avantages qui se révèlent déterminants. Le Roy popularise cette invention en en donnant de nombreux détails dans l’ouvrage Règle artificielle du temps, rédigé par Henry Sully, à l’occasion d’une seconde édition à laquelle participe l’horloger du roi.

Avant de décéder à Paris, le 20 septembre 1759, Julien Le Roy laisse au monde quatre fils qui, chacun à sa façon, va marquer différents domaines : l’architecte Julien-David, le médecin Charles, le physicien Jean-Baptiste, et l’héritier, Pierre Le Roy, qui reprend l’atelier familial et se fera connaître à son tour comme le découvreur de l’isochronisme du ressort spiral.

Les inventions de Julien Le Roy

Parmi les perfectionnements et les inventions dus à Julien Le Roy, citons :

  • La pendule à équations, présentée devant l’Académie des Sciences de Paris en 1720 ;
  • La potence ajustable, qui modifie le système d’échappement pour une longue période ;
  • Le pendule compensateur, en 1738 ;
  • L’horloge horizontale, au cours de la décennie 1730 ;
  • L’échappement à ancre utilisé comme modérateur pour une nouvelle cadrature de sonnerie, en 1755.

Une liste loin d’être complète, mais qui donne un aperçu de l’importance qu’eut Julien Le Roy pour la France horlogère du XVIIIe siècle.